Syndrome de Sjögren : une attaque auto-immune contre les glandes productrices de liquides

Qu’est-ce que le syndrome de Sjögren ?

Le syndrome de Sjögren est une maladie auto-immune chronique où le système immunitaire attaque par erreur les glandes qui produisent des liquides : les glandes lacrymales pour les larmes, et les glandes salivaires pour la salive. Cela provoque une sécheresse persistante des yeux et de la bouche - les deux symptômes les plus visibles. Mais ce n’est pas qu’une question de gêne. Cette maladie peut toucher les poumons, la peau, les articulations, les nerfs, et même les organes internes. Elle a été décrite pour la première fois en 1933 par le médecin suédois Henrik Sjögren, et depuis, on sait qu’elle affecte environ 4 millions d’Américains, dont 90 % sont des femmes âgées de 45 à 55 ans.

Pourquoi les glandes sont-elles attaquées ?

Personne ne sait exactement pourquoi le système immunitaire se retourne contre les glandes productrices de liquides. Mais les chercheurs ont identifié des facteurs de risque : certaines variations génétiques augmentent la vulnérabilité, et des infections virales ou bactériennes passées pourraient déclencher la maladie chez les personnes prédisposées. Ce n’est pas une question de mauvaise hygiène, ni de manque d’hydratation. C’est une erreur interne du corps, comme si une alarme de sécurité se déclenchait à tort. Des études récentes, comme celles menées par l’Oklahoma Medical Research Foundation en 2023, ont découvert un signe spécifique dans les cellules T - présent chez 78 % des patients - qui pourrait un jour servir de test de diagnostic fiable.

Les symptômes : bien plus que des yeux et une bouche secs

La sécheresse des yeux ressemble à un grain de sable qui frotte en permanence. La bouche devient comme du papier de verre : manger un biscuit ou une tartine devient une épreuve. Mais ce n’est que le début. Près de 70 % des patients souffrent d’une fatigue extrême qui ne part pas même après une bonne nuit. Un tiers ressent des douleurs articulaires, souvent confondues avec l’arthrite. 50 % des femmes développent une sécheresse vaginale, un symptôme rarement discuté mais qui impacte profondément la vie intime. 25 % ont une toux sèche persistante, signe que les poumons sont touchés. Certains décrivent un « brouillard cérébral » : ils oublient des mots, perdent leur concentration, se sentent comme dans un rêve. Ce n’est pas de la maladresse - c’est la maladie.

Médecin examinant un patient avec des symboles médicaux flottants représentant les symptômes du syndrome de Sjögren.

Diagnostic : un parcours du combattant

En moyenne, il faut 2,8 ans pour être diagnostiqué. Pourquoi ? Parce que les symptômes ressemblent à trop de choses : allergies, stress, vieillissement, effets secondaires de médicaments. Beaucoup de patients voient trois, quatre médecins avant qu’on ne pense au syndrome de Sjögren. Le diagnostic repose sur trois éléments : des symptômes persistants depuis au moins trois mois, des tests objectifs (comme le test de Schirmer, qui mesure la production de larmes - moins de 5 mm en 5 minutes est anormal), et la présence d’anticorps spécifiques : anti-SSA/Ro et anti-SSB/La, présents chez 60 à 70 % des patients. Une biopsie de la petite glande salivaire sous la lèvre inférieure peut confirmer la présence d’inflammation caractéristique. Depuis 2022, les échographies des glandes salivaires sont aussi utilisées : elles détectent les lésions avec 85 % de précision.

Comment ça se traite ?

Il n’y a pas de guérison, mais il y a des solutions. Pour les yeux, des larmes artificielles sans conservateurs, utilisées 8 à 10 fois par jour, aident. Pour la bouche, des substituts de salive, des gommes sans sucre, et des humidificateurs dans la chambre font une grande différence. Les médicaments comme la pilocarpine (5 mg trois fois par jour) ou la cevimeline stimulent les glandes pour produire plus de liquide - 60 à 70 % des patients ressentent une amélioration. Pour les douleurs articulaires, l’hydroxychloroquine est souvent prescrite, même si elle ne fonctionne que pour 30 à 40 % des gens. En juin 2023, la FDA a approuvé un nouveau traitement : l’Efgartigimod (Vyvgart Hytrulo), le premier médicament spécifique pour le syndrome de Sjögren en 20 ans. Il a réduit la sécheresse de la bouche de 35 % chez les patients en essai clinique.

Les risques à long terme

La plupart des patients vivent une vie normale, avec un espérance de vie préservée. Mais il y a un risque sérieux : 4 à 5 % des personnes atteintes développent un lymphome non-Hodgkin, un cancer du système lymphatique. Ce risque est dix fois plus élevé que dans la population générale. C’est pourquoi un suivi régulier est crucial. Les patients avec les anticorps anti-SSB/La ont 3,2 fois plus de risques de développer des complications systémiques. Des études récentes montrent aussi que les patients avec des lésions glandulaires importantes ont un risque accru. La surveillance n’est pas une paranoïa - c’est une précaution vitale.

Femme entourée de produits d'aide, un horloge indiquant 2.8 ans, un nouveau médicament brillant sur la table.

La vie au quotidien : comment s’adapter ?

Les patients apprennent à vivre avec. Ils emportent toujours une bouteille d’eau. Ils évitent les pièces sèches, les climatisations fortes, les ventilateurs qui soufflent sur le visage. Ils utilisent des gels hydratants pour la peau, des lubrifiants vaginaux sans hormones, et des dentifrices sans sulfate. Plus de 89 % utilisent des produits dentaires spécifiques. 52 % prennent des oméga-3, 23 % pratiquent l’acupuncture. Certains ont trouvé du soulagement dans des groupes de soutien en ligne, comme MySjogrensTeam, où 25 000 personnes partagent leurs expériences. Un patient a écrit : « J’ai appris que je n’étais pas fou quand je pleurais en mangeant une pomme. »

Les avancées récentes et l’avenir

En 2023, les Instituts Nationaux de la Santé américains ont lancé le Sjögren’s Precision Medicine Network, un projet qui suit 5 000 patients pour personnaliser les traitements. Un programme de recherche appelé TARGET vise à identifier les marqueurs génétiques qui prédisent la gravité de la maladie. Douze nouveaux traitements sont en cours d’essai, dont trois qui ciblent les cellules B, impliquées dans l’attaque auto-immune. Enfin, les médecins sont mieux formés : depuis 2022, l’American Medical Association inclut le syndrome de Sjögren dans ses formations continues. Le diagnostic reste lent, mais la prise de conscience augmente. Chaque année, 15 % de diagnostics en plus sont faits.

Et si vous avez des symptômes ?

Si vous avez des yeux qui brûlent depuis des mois, une bouche qui ne produit plus de salive, une fatigue qui vous écrase, et que personne ne trouve la cause, parlez-en à un rhumatologue. Ne vous contentez pas d’un « c’est le stress » ou d’un « vous buvez pas assez ». Demandez un test d’anticorps anti-SSA/SSB. Faites une échographie des glandes salivaires. Votre vie peut changer. Ce n’est pas une question de chance - c’est une question de savoir chercher.

4 Commentaires

  • Sophie Burkhardt

    Sophie Burkhardt

    décembre 2, 2025 AT 18:12

    Je viens de finir mon troisième verre d’eau en dix minutes… et je pleure toujours en mangeant une pomme. Merci pour cet article, j’ai enfin l’impression qu’on me comprend. Ce n’est pas du stress, ce n’est pas que je bois pas assez - c’est mon corps qui a décidé de me trahir. Et je suis pas seule.

  • Nicole Perry

    Nicole Perry

    décembre 4, 2025 AT 10:09

    les glandes qui font des grèves… c’est comme si ton corps avait un syndicat et qu’il avait dit ‘on arrête de larmoyer, on arrête de saliver, on se repose’… sauf que t’es pas en vacances. t’es juste en vie. et ça fait mal. 🤍

  • Juliette Chiapello

    Juliette Chiapello

    décembre 5, 2025 AT 02:29

    La découverte du marqueur T à 78% chez les patients est une avancée majeure en immunologie clinique. Cela ouvre la voie à une stratification des patients selon les profils moléculaires, ce qui est fondamental pour la médecine personnalisée. Efgartigimod est un bon début, mais il faut des cibles plus précises. 💡

  • cristian pinon

    cristian pinon

    décembre 6, 2025 AT 01:53

    Il est essentiel de souligner que cette maladie, bien que rare, constitue un défi diagnostique majeur pour les professionnels de santé, en raison de sa présentation clinique polymorphe et de son caractère insidieux. La latence moyenne de 2,8 ans avant diagnostic représente une faille systémique dans les parcours de soins, qui exige une réforme des protocoles de formation médicale continue. Il est impératif que les généralistes soient formés à reconnaître les signes précoces, notamment la sécheresse oculo-buccale associée à une fatigue invalidante. La mise en place de protocoles de dépistage systématique dans les centres de santé primaire pourrait réduire ce délai de moitié. C’est une question d’équité sanitaire.

Écrire un commentaire