Vous avez peut-être entendu dire que remplacer le sel normal par un substitut de sel est une excellente façon de réduire votre consommation de sodium et de protéger votre cœur. Mais si vous prenez un inhibiteur de l'ACE ou un ARB, cette bonne intention pourrait vous mettre en danger - sans que vous le sachiez.
Le piège du substitut de sel
Les substituts de sel, comme LoSalt ou Heart Salt, ne sont pas du sel ordinaire. Ils remplacent une partie - ou la majorité - du chlorure de sodium par du chlorure de potassium. Cela semble logique : moins de sodium, plus de potassium, un meilleur équilibre. Mais ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Pour une personne en bonne santé, cette combinaison peut même être bénéfique. Une étude publiée dans le JAMA Network en mars 2025 a montré que chez les personnes sans problème rénal, l’usage d’un substitut contenant 25 % de chlorure de potassium réduisait les récidives d’AVC de 14 % sur cinq ans.Mais pour les personnes qui prennent un inhibiteur de l’ACE (comme l’lisinopril, le ramipril) ou un ARB (comme le losartan, le valsartan), le potassium s’accumule. Et quand il s’accumule trop, ça devient dangereux.
Comment le potassium devient toxique
Votre rein élimine normalement l’excès de potassium par l’urine. Mais les inhibiteurs de l’ACE et les ARB bloquent une voie hormonale qui aide justement à éliminer ce potassium. Résultat : votre corps retient plus de potassium que d’habitude. Si vous ajoutez à cela un substitut de sel contenant 50 % de chlorure de potassium, vous pouvez augmenter votre apport quotidien en potassium de plus de 500 mg. Cela fait passer votre consommation totale de potassium à des niveaux que votre rein ne peut plus gérer.Quand le taux de potassium dans le sang dépasse 5,0 mmol/L, on parle d’hyperkaliémie. Au-delà de 6,5 mmol/L, le risque de arythmie cardiaque - voire d’arrêt cardiaque - devient réel. Un cas rapporté en 2004 dans le Journal of the Royal Society of Medicine décrit un homme de 72 ans qui a fait un arrêt cardiaque après avoir utilisé LoSalt pendant trois semaines, tout en prenant un inhibiteur de l’ACE. Son taux de potassium était à 7,8 mmol/L.
Qui est vraiment à risque ?
Tout le monde n’est pas égal face à ce risque. Les personnes les plus vulnérables sont celles qui ont une insuffisance rénale. Selon les données du CDC en 2022, 15 % des adultes américains souffrent de maladie rénale chronique (MRC). En France, on estime qu’au moins 10 % de la population adulte a une fonction rénale réduite, même sans diagnostic formel. Pour ces personnes, le risque d’hyperkaliémie avec un substitut de sel et un inhibiteur de l’ACE est multiplié par 10. Une méta-analyse de 2019 a montré que chez les patients avec une MRC avancée (eGFR < 60), l’incidence d’hyperkaliémie passait de 0,8 à 8,7 événements pour 100 personnes par an.Les diabétiques sont aussi particulièrement à risque. Environ 10 à 20 % des diabétiques ayant une maladie rénale développent une hypoaldostéronisme hyporéninémique - un trouble qui empêche les reins d’éliminer le potassium. L’American Diabetes Association le souligne clairement dans son guide de 2023 : pour ces patients, les substituts de sel sont une bombe à retardement.
Le problème de la méconnaissance
Le pire, c’est que la plupart des patients ne savent pas qu’ils sont en danger. Une étude publiée dans le JAMA Internal Medicine en 2023 a révélé que 78 % des patients prenant un inhibiteur de l’ACE ne connaissaient aucun risque lié aux sources alimentaires de potassium. Ils pensent que « naturel » = « sûr ». Ils lisent « sans sodium ajouté » sur l’emballage et croient qu’ils font un choix sain.Sur Reddit, un utilisateur avec 4 200 karma a raconté qu’il s’est réveillé à l’hôpital avec un taux de potassium à 6,3 après avoir utilisé « Heart Salt » pendant trois semaines. Sur Drugs.com, une femme de 68 ans décrit des faiblesses musculaires et un rythme cardiaque irrégulier après avoir changé de sel tout en prenant losartan. Ces témoignages ne sont pas rares - mais ils sont souvent ignorés.
Et les étiquettes ?
Regardez les paquets de substituts de sel. Combien d’entre eux disent clairement : « À ne pas utiliser si vous prenez un inhibiteur de l’ACE ou un ARB » ? Très peu. En 2023, la FDA a constaté que sur 12 marques majeures, seulement 3 portaient un avertissement explicite. Au Canada, la loi exige désormais cette mention depuis janvier 2024. Aux États-Unis, ce n’est pas encore obligatoire. Et en France ? Les produits importés ou vendus en ligne n’ont souvent aucune mention. Vous achetez un substitut de sel comme n’importe quel produit alimentaire, sans savoir qu’il peut interagir avec votre médicament.Que faire si vous prenez un inhibiteur de l’ACE ou un ARB ?
Ne paniquez pas. Mais agissez avec prudence.- Ne supprimez pas votre médicament. Les inhibiteurs de l’ACE et les ARB sauvent des vies. Ils réduisent les risques d’AVC, d’infarctus et de dégradation rénale.
- Arrêtez les substituts de sel contenant du potassium. C’est la première règle. Même si vous les avez utilisés pendant des mois sans problème, le risque s’accumule silencieusement.
- Utilisez des herbes et épices. Le persil, l’ail, le thym, le paprika, le citron, le vinaigre balsamique - ils donnent du goût sans potassium. Une étude montre que les cuisines sans sel ajouté, mais riches en épices, réduisent la consommation de sodium de 40 à 50 %, sans aucun risque de potassium.
- Demandez un bilan sanguin. Si vous avez pris un substitut de sel ces derniers mois, demandez à votre médecin de vérifier votre taux de potassium. Un simple test de sang peut vous éviter un cauchemar.
- Parlez à votre pharmacien. Beaucoup ne le savent pas non plus. Posez la question : « Est-ce que ce produit peut interagir avec mes médicaments ? »
Quels substituts sont sûrs ?
Il n’y a pas de substitut parfait. Mais certains sont plus sûrs que d’autres.Les produits comme Mrs. Dash ou les mélanges d’épices sans sel sont la meilleure option. Ils ne contiennent aucun potassium ajouté. Ils ne réduisent pas le sodium autant qu’un substitut de sel à base de potassium - mais ils le réduisent quand même, sans risque. Et ils sont souvent moins chers.
Les substituts de sel « légers » (50 % sodium, 50 % potassium) sont à éviter si vous avez une maladie rénale, du diabète, ou si vous prenez un inhibiteur de l’ACE ou un ARB. Même les produits vendus comme « pour les personnes âgées » ou « pour le cœur » peuvent être dangereux dans votre cas.
Les nouvelles pistes
Des entreprises comme NutraTech Solutions développent actuellement des formules de potassium à libération lente, qui pourraient apporter les bénéfices du potassium sans le risque d’hyperkaliémie aiguë. Ces produits sont encore en phase 2 d’essais cliniques. Les résultats ne seront pas disponibles avant la fin 2026.En attendant, la meilleure solution reste simple : évitez les substituts de sel contenant du potassium si vous êtes sous traitement par inhibiteur de l’ACE ou ARB. Et si vous avez un doute, demandez à votre médecin de vérifier votre potassium. C’est un test rapide, peu coûteux, et qui peut vous sauver la vie.
Les chiffres à retenir
- 15 % des adultes ont une fonction rénale réduite - sans le savoir.
- 40 % des patients hypertendus prennent un inhibiteur de l’ACE ou un ARB.
- Un substitut de sel à 50 % potassium ajoute environ 525 mg de potassium par jour.
- Un taux de potassium > 5,0 mmol/L est anormal.
- Un taux > 6,5 mmol/L peut provoquer un arrêt cardiaque.
- 78 % des patients ne savent pas que les substituts de sel peuvent être dangereux avec leur traitement.
Puis-je utiliser un substitut de sel si je prends un inhibiteur de l’ACE ?
Non, il est fortement déconseillé. Les inhibiteurs de l’ACE réduisent la capacité de vos reins à éliminer le potassium. Ajouter du potassium via un substitut de sel augmente considérablement le risque d’hyperkaliémie, une condition qui peut provoquer des arythmies cardiaques graves ou un arrêt cardiaque. Même si vous ne ressentez aucun symptôme, le risque est réel et silencieux.
Quels sont les symptômes d’une hyperkaliémie ?
Les premiers signes sont souvent discrets : faiblesse musculaire, engourdissement, picotements, nausées. Mais le plus dangereux, c’est que vous pouvez ne rien ressentir du tout. L’hyperkaliémie peut évoluer sans symptômes jusqu’à provoquer un rythme cardiaque irrégulier, des palpitations, ou même un arrêt cardiaque. C’est pourquoi le dépistage par un simple test sanguin est essentiel si vous êtes sous traitement par inhibiteur de l’ACE ou ARB.
Les substituts de sel sans potassium existent-ils ?
Oui, et ils sont la meilleure alternative. Les mélanges d’épices sans sel, comme Mrs. Dash, ou les mélanges à base d’herbes aromatiques, de citron, de vinaigre ou de poudres de légumes déshydratés, ne contiennent aucun potassium ajouté. Ils réduisent le goût salé sans augmenter le risque de potassium. Ils ne réduisent pas autant le sodium qu’un substitut à base de potassium, mais ils le font de façon sûre, surtout si vous avez des problèmes rénaux ou prenez des médicaments pour la tension.
Combien de temps faut-il pour que le potassium s’accumule ?
Cela dépend de votre fonction rénale. Chez une personne en bonne santé, le corps élimine rapidement l’excès de potassium. Mais chez une personne avec une insuffisance rénale ou sous inhibiteur de l’ACE, l’accumulation peut se produire en quelques jours ou semaines. Un patient a fait un arrêt cardiaque après seulement trois semaines d’utilisation d’un substitut de sel contenant du potassium. Il n’y a pas de délai sûr - c’est pourquoi la prévention est essentielle.
Dois-je faire un test de potassium si j’ai pris un substitut de sel ?
Oui, absolument. Si vous avez pris un substitut de sel contenant du potassium pendant plus d’une semaine, surtout si vous êtes âgé, diabétique, ou sous inhibiteur de l’ACE ou ARB, demandez à votre médecin un bilan sanguin simple. Le taux de potassium est mesuré dans le cadre d’un bilan électrolytique. C’est rapide, peu coûteux, et peut éviter une urgence médicale. Même si vous vous sentez bien, il vaut mieux prévenir que guérir.
Isabelle Bujold
Je suis infirmière en cardiologie depuis 22 ans, et je peux vous dire que je vois ça tous les mois. Un patient vient avec des palpitations, on fait le bilan, et là - potassium à 6,8. Il a utilisé un substitut de sel parce que ‘c’était plus sain’. Il n’avait aucun symptôme. Aucun. C’est ça le pire : il n’y a pas de signe d’alerte avant que le cœur ne lâche. Les médecins ne parlent pas assez de ça aux patients. Les pharmaciens non plus. Et les emballages ? Rien. Juste des dessins de cœurs et de légumes. C’est une tragédie silencieuse.
Je demande à chaque patient sous inhibiteur de l’ACE ou ARB : ‘Vous utilisez un substitut de sel ?’ Si oui, je leur donne une liste d’épices sûres. Et je leur dis : ‘Votre rein ne vous remerciera pas, mais votre cœur, si.’
Beat Steiner
Je suis diabétique et je prends du losartan depuis 5 ans. J’ai utilisé Heart Salt pendant 6 mois sans problème… jusqu’à ce que je me réveille avec les jambes lourdes et une bouche sèche. J’ai cru que c’était la chaleur. Mon médecin m’a dit que mon potassium était à 5,9. J’ai arrêté immédiatement. Aujourd’hui, je cuisine avec du citron, de l’ail, du romarin. C’est plus bon, en fait. 😊
Je suis juste triste que tant de gens ne sachent pas. Pas de malice, juste de l’ignorance. Et ça peut tuer.