Sel et médicaments contre l'hypertension : comment réduire son apport en sodium pour maximiser l'efficacité des traitements

Si vous prenez des médicaments pour votre pression artérielle, vous pourriez penser que tout est sous contrôle. Mais que se passe-t-il si votre alimentation contient trop de sel ? La réponse est simple : vos médicaments ne fonctionnent pas aussi bien qu’ils le pourraient. Une étude majeure publiée en novembre 2023 dans JAMA a montré que réduire son apport en sodium peut faire baisser la pression artérielle autant qu’un premier médicament antihypertenseur. Et ce, même si vous prenez déjà un traitement.

Le sel rend vos médicaments moins efficaces

Les médicaments comme les inhibiteurs de l’ECA, les ARB et les diurétiques agissent en modifiant la quantité de liquide dans votre corps ou en détendant vos vaisseaux sanguins. Mais quand vous mangez beaucoup de sel, votre corps retient plus d’eau. Cela augmente le volume sanguin, ce qui pousse la pression artérielle à monter. Résultat ? Vos médicaments doivent travailler deux fois plus fort - et parfois, ils ne suffisent plus.

Les chercheurs de l’Université Vanderbilt, de Northwestern Medicine et de l’Université de l’Alabama ont suivi 213 personnes âgées de 61 ans en moyenne. Pendant une semaine, elles ont mangé une alimentation normale (environ 4 500 mg de sodium par jour). Puis, elles ont suivi un régime à très faible teneur en sel (500 mg/jour). La baisse de la pression artérielle systolique a été de 6 mm Hg - ce qui correspond à l’effet d’un médicament comme l’lisinopril ou le losartan. Et cela, sans changer de traitement.

En clair : si vous mangez trop de sel, vos médicaments sont comme une voiture qui roule avec le frein à main tiré. Retirez le sel, et la voiture accélère naturellement.

Qui est le plus concerné ?

Tout le monde réagit au sel, mais certains en sont plus sensibles. Environ 46 % des personnes ayant une hypertension ont ce qu’on appelle une « sensibilité au sel » : leur pression artérielle chute de plus de 5 mm Hg dès qu’elles réduisent leur consommation. Les personnes âgées, les Noirs, les diabétiques et les patients avec une maladie rénale sont plus à risque. Chez eux, la baisse peut atteindre 5,4 mm Hg pour chaque réduction de 100 mmol de sodium dans l’urine - un effet bien plus fort que chez les personnes en bonne santé.

Les études montrent aussi que les personnes avec une pression artérielle déjà élevée bénéficient le plus. Même si vous n’avez pas encore de diagnostic d’hypertension, mais que votre tension est un peu élevée (130-139/85-89 mm Hg), réduire le sel peut vous éviter de devoir prendre des médicaments plus tard.

Le sel ne vient pas du sel de table

La plupart des gens pensent que le sel vient du fait qu’ils salent leur plat à table. C’est faux. Environ 70 % du sodium que vous consommez vient des aliments transformés : soupes en boîte, sauces, charcuteries, pains industriels, fromages, plats préparés, snacks, et même certains yaourts ou céréales du petit-déjeuner.

Regardez les étiquettes. Un pain peut contenir 200 mg de sodium par tranche. Une portion de soupe en conserve, 800 mg. Une portion de poulet pané, plus de 600 mg. Si vous mangez trois repas préparés en une journée, vous dépassez facilement les 2 300 mg recommandés - sans jamais toucher au sel.

La clé ? Apprenez à lire les étiquettes. Ne cherchez pas le « % valeur quotidienne » - il est souvent trompeur. Cherchez directement les milligrammes (mg). Un produit est considéré comme « faible en sodium » s’il contient moins de 140 mg par portion. Choisissez des versions « sans sel ajouté » ou « à teneur réduite en sodium ».

Comment réduire le sel sans sacrifier le goût ?

Vous n’avez pas besoin de manger des aliments fades. Le goût s’adapte. En deux semaines, votre palais s’habitue à moins de sel, et vous commencez à percevoir les saveurs naturelles des aliments : la douceur des tomates, l’arôme du basilic, la profondeur du paprika.

Voici ce qui marche vraiment :

  • Remplacez le sel par des herbes fraîches ou séchées : thym, romarin, origan, ciboulette.
  • Utilisez du citron, du vinaigre balsamique ou du vinaigre de cidre pour ajouter de l’acidité.
  • Essayez des épices comme le paprika fumé, le curcuma, le cumin ou le poivre noir.
  • Cuisinez à la maison autant que possible. Même une simple omelette maison avec des légumes est plus saine qu’un plat tout prêt.
  • Évitez les sauces industrielles : faites votre propre vinaigrette avec de l’huile d’olive, du vinaigre et de l’ail.

Les substituts de sel à base de potassium (comme le « Sel de mer léger » ou « NoSalt ») peuvent être utiles - mais seulement si vos reins fonctionnent bien. Si vous avez une maladie rénale ou que vous prenez des médicaments comme les inhibiteurs de l’ECA, le potassium peut s’accumuler dangereusement dans le sang. Consultez toujours votre médecin avant d’en utiliser.

Une pilule antihypertensive étouffée par un énorme sel, tandis qu'un cœur et un rein brandissent un drapeau 'faible en sel'.

Combien de temps pour voir un résultat ?

Vous n’avez pas à attendre des mois. Dans l’étude de 2023, les participants ont vu leur pression artérielle baisser en seulement 7 jours. Certains ont vu une baisse de 8 mm Hg en une semaine. C’est plus rapide que l’effet d’un nouveau médicament.

Cela signifie que si vous commencez à réduire votre sel aujourd’hui, vous pourriez voir un effet mesurable d’ici la semaine prochaine. Et si vous êtes sous traitement, votre médecin pourrait même envisager de réduire votre dose de médicament - à condition que votre tension reste stable.

Les médicaments qui profitent le plus du faible sel

Tous les antihypertenseurs fonctionnent mieux avec peu de sel, mais certains en bénéficient davantage :

  • Inhibiteurs de l’ECA (ex. : lisinopril, ramipril) : le sel réduit leur capacité à dilater les vaisseaux. Moins de sel = meilleure action.
  • ARB (ex. : losartan, valsartan) : ils bloquent un système hormonal qui retient le sel. Si vous en mangez trop, ils sont en surcharge.
  • Diurétiques (ex. : hydrochlorothiazide) : ils font uriner l’eau, mais si vous mangez beaucoup de sel, votre corps la retient de nouveau.
  • Bêta-bloquants : leur effet est moins direct, mais une réduction du sel diminue la charge sur le cœur, ce qui les rend plus efficaces à long terme.

Les diurétiques sont particulièrement dépendants du sel. Si vous en prenez un et que vous continuez à manger des plats salés, vous risquez de vous déshydrater sans pour autant faire baisser votre tension.

Le sel, c’est aussi une question de reins et de cœur

Un excès de sel n’augmente pas seulement la pression artérielle. Il augmente aussi la quantité de protéines dans les urines - un signe que vos reins sont en surcharge. C’est particulièrement vrai pour les diabétiques. Les médicaments qui protègent les reins, comme les inhibiteurs de l’ECA, perdent de leur efficacité si le sel est trop élevé.

À long terme, une alimentation riche en sel accélère le vieillissement des vaisseaux sanguins, augmente le risque d’insuffisance cardiaque et favorise les accidents vasculaires cérébraux. La réduction du sel n’est pas juste une bonne idée - c’est une protection essentielle pour votre cœur, vos reins et votre cerveau.

Famille française cuisinant avec des herbes et lisant les étiquettes, un cœur et un rein dansent joyeusement au-dessus d'une soupe maison.

Les recommandations officielles en 2025

La Société européenne de cardiologie et l’American Heart Association recommandent désormais un apport idéal de 1 500 mg de sodium par jour - soit environ un quart de cuillère à café. La limite absolue est fixée à 2 300 mg (une cuillère à café). La plupart des Français en consomment entre 8 000 et 9 000 mg par jour - presque quatre fois plus que ce qui est recommandé.

Les lignes directrices médicales ont changé. Le JNC 8 (groupe d’experts américain sur l’hypertension) classe la réduction du sel comme une intervention de classe I - la plus forte recommandation possible. Cela signifie que les médecins doivent en parler à chaque patient hypertendu, comme ils le feraient pour un médicament.

Et les nouvelles technologies ?

Des chercheurs de Vanderbilt développent une application mobile qui permet de scanner les étiquettes alimentaires en temps réel et d’alerter si un plat contient trop de sel pour votre traitement. L’application teste aussi les interactions avec vos médicaments - par exemple, si vous prenez un diurétique et que vous mangez un plat à 800 mg de sodium, elle vous alerte. Ce système est actuellement en phase de test avec 500 patients dans trois centres médicaux aux États-Unis.

En France, des projets similaires commencent à émerger, notamment avec des applications de suivi alimentaire qui intègrent des alertes spécifiques pour les patients sous traitement antihypertenseur.

Que faire maintenant ?

Voici trois étapes simples pour commencer dès aujourd’hui :

  1. Supprimez le sel de table pendant 7 jours. Utilisez uniquement des herbes et des épices.
  2. Lisez les étiquettes de vos 5 aliments les plus consommés (pain, fromage, charcuterie, sauce, soupe). Notez leur teneur en sodium. Cherchez des versions à moins de 140 mg par portion.
  3. Parlez à votre médecin : demandez si votre traitement pourrait être ajusté après une réduction du sel. Certains patients peuvent réduire leur dose - ou même arrêter un médicament - sans risque.

Le sel n’est pas un ennemi. Il est essentiel à la vie. Mais comme tout ce qui est bon en petite quantité, il devient dangereux en excès. Et quand vous prenez un médicament pour votre pression artérielle, chaque gramme de sel en trop annule un peu de son pouvoir. Réduire le sel, c’est donner à votre traitement sa chance réelle de vous protéger.

Et si je ne vois pas de changement ?

Environ 25 à 30 % des personnes ne réagissent pas fortement à la réduction du sel. Cela ne veut pas dire que le sel n’a pas d’effet - juste que votre corps le gère différemment. Même dans ce cas, une réduction du sodium protège vos vaisseaux et vos reins à long terme. C’est une mesure de prévention, pas seulement de traitement.

Si vous avez réduit le sel pendant 3 semaines et que votre pression n’a pas changé, parlez à votre médecin. Il peut vérifier si vous avez une résistance médicamenteuse, une maladie rénale cachée, ou un autre facteur à traiter. Mais ne rejetez pas la réduction du sel comme une perte de temps. Elle agit toujours - même si les chiffres ne bougent pas tout de suite.