Injections de corticostéroïdes : réduction de l'inflammation articulaire et applications cliniques

Si vous avez déjà ressenti une douleur aiguë dans le genou, l’épaule ou la hanche qui vous empêche de marcher, de lever le bras ou même de dormir, vous avez peut-être entendu parler des injections de corticostéroïdes. Ce n’est pas une solution magique, mais pour beaucoup, c’est la seule chose qui donne un soulagement rapide quand tout le reste échoue.

Comment ça marche vraiment ?

Les corticostéroïdes, souvent appelés « cortisone », ne sont pas des analgésiques comme le paracétamol ou l’ibuprofène. Ils agissent directement sur l’inflammation. Quand une articulation est enflammée - qu’il s’agisse d’une tendinite, d’une bursite ou d’une poussée de goutte - votre corps libère des molécules comme l’interleukine-6 ou le facteur de nécrose tumorale. Ces substances attirent des cellules immunitaires, provoquent un gonflement, une chaleur et une douleur intense.

L’injection de corticostéroïde, elle, pénètre dans l’articulation et bloque ce processus. Elle se lie aux récepteurs des cellules, modifie l’expression des gènes et arrête la production de ces molécules inflammatoires. En quelques heures, le liquide synovial devient moins visqueux, les leucocytes diminuent, et la membrane synoviale se calme. Résultat : la douleur baisse, le gonflement diminue, et la mobilité revient.

Les préparations les plus courantes en France sont le triamcinolone acétone, le méthylprednisolone acétate ou la béthaméthasone. Elles sont souvent mélangées à un anesthésique local comme la lidocaïne pour soulager immédiatement la douleur de l’injection elle-même.

Combien de temps ça dure ?

C’est là que beaucoup se trompent. Les injections de corticostéroïdes ne guérissent pas l’arthrose, ni ne réparent un tendon déchiré. Elles éteignent un feu - pas la source du feu.

Les études montrent que la plupart des patients ressentent un soulagement dans les 24 à 72 heures suivant l’injection. Pour 62 % d’entre eux, la douleur diminue fortement pendant 4 à 8 semaines. Mais après 6 semaines, l’effet s’efface. À 24 semaines, il n’y a plus aucune différence avec un placebo.

Un patient sur trois retrouve sa douleur initiale en moins de deux mois. Certains disent même que les injections suivantes donnent moins de résultats. Comme un médicament dont le corps devient moins réceptif. Ou comme un feu qu’on éteint de plus en plus souvent, jusqu’à ce que le bois soit trop abîmé pour brûler encore.

Quand est-ce utile ? Et quand c’est risqué ?

Les injections de corticostéroïdes sont parfaites pour les poussées aiguës : une tendinite du tendon d’Achille qui vous empêche de courir, une bursite de la hanche qui vous rend incapable de dormir sur le côté, ou une crise de goutte qui vous fait hurler. Dans ces cas, elles permettent de reprendre une vie normale en quelques jours.

Elles sont moins utiles - voire contre-indiquées - dans les cas d’arthrose avancée. L’American College of Rheumatology déconseille fortement leur usage chez les patients dont les radiographies montrent une perte importante de cartilage. Pourquoi ? Parce que chaque injection augmente légèrement le risque d’endommager encore plus l’articulation. Une étude de l’Osteoarthritis Initiative a montré que les patients ayant reçu plusieurs injections avaient 4,67 fois plus de chances de voir leur arthrose progresser rapidement.

Et puis il y a les risques. Pas toujours évoqués. Une injection peut provoquer une « poussée post-injection » : une douleur intense, parfois pire que l’originale, qui dure 2 à 3 jours. Cela arrive dans 2 à 8 % des cas. Les diabétiques doivent surveiller leur glycémie pendant 72 heures : les corticostéroïdes font monter le sucre dans le sang. Chez certaines personnes, la peau au point d’injection s’éclaircit, ou même s’atrophie. Et si vous en faites trop - plus de 3 à 4 par articulation par an - vous augmentez le risque de rupture de tendon. Un tendon déjà affaibli par l’inflammation peut se rompre après une simple marche.

Patient souffrant d'épaule douloureuse à gauche, rétabli après injection avec une cape de soulagement qui éteint le feu.

Les alternatives : PRP, viscosupplémentation, et autres

Depuis quelques années, on entend parler de traitements plus « naturels » : le PRP (plasma riche en plaquettes), les injections de acide hyaluronique, ou même les cellules souches. Le PRP coûte entre 500 et 1 500 € l’injection. La viscosupplémentation, entre 500 et 1 000 €. Les corticostéroïdes ? Entre 100 et 300 €.

Le PRP est souvent présenté comme une alternative durable. Mais les données ne soutiennent pas cette idée. Une étude de 2023 a montré que pour la tendinite du coude (épicondylite latérale), le PRP n’était pas meilleur que le placebo à 3 mois. Les corticostéroïdes, eux, étaient supérieurs à court terme. Le PRP peut avoir un effet plus lent, mais plus durable - mais pas pour tout le monde.

La viscosupplémentation, qui consiste à injecter de l’acide hyaluronique pour « lubrifier » l’articulation, a été largement utilisée pour l’arthrose du genou. Mais les dernières recommandations européennes et américaines la déconseillent pour la plupart des cas, car les bénéfices sont minimes et les effets à long terme non prouvés.

Les nouvelles injections à libération prolongée, comme Zilretta (triamcinolone acétone à libération lente), sont prometteuses. Elles peuvent soulager pendant 12 semaines chez 45 % des patients. Mais elles sont encore peu accessibles, coûteuses, et leur effet à long terme sur le cartilage reste incertain.

Comment savoir si c’est pour vous ?

Il n’y a pas de règle universelle. Mais voici ce que les spécialistes recommandent :

  • Si vous avez une douleur aiguë, récente, liée à une inflammation (tendinite, bursite, goutte) : oui, essayez une injection.
  • Si vous avez de l’arthrose modérée et que la douleur vous bloque dans vos activités : une injection peut vous aider à reprendre la marche, le vélo, ou la danse - mais pas à guérir.
  • Si vous avez déjà eu 3 injections dans la même articulation cette année : attendez. Parlez avec votre médecin d’autres options : kinésithérapie, perte de poids, orthèses, ou même changement d’activité.
  • Si vous êtes diabétique, hypertendu, ou si vous avez un système immunitaire affaibli : discutez des risques. Une injection peut déclencher une crise de glycémie ou une infection.
  • Si vous prévoyez une chirurgie prochaine (remplacement de hanche ou de genou) : évitez les injections dans les 3 mois précédents. Des études montrent que cela augmente le risque d’infection post-opératoire de plus de 2 fois.

Le rôle du geste technique

Une injection mal faite peut être inutile… ou dangereuse. Si le médecin ne voit pas bien l’articulation, il peut injecter à côté, dans le tendon, ou même dans le nerf. Le taux de précision des injections « à l’aveugle » est d’environ 70 %. Avec un échographe, il monte à 95 %.

En France, l’échoguidage n’est pas encore systématique, mais il devrait l’être. Pourquoi ? Parce que les effets secondaires sont souvent liés à une mauvaise localisation. Une injection dans le tendon au lieu de l’articulation peut provoquer une rupture. Une injection trop profonde peut endommager le cartilage.

Si vous avez le choix, privilégiez un médecin qui utilise l’échographie. C’est un geste simple, indolore, et il augmente les chances que l’injection fonctionne.

Médecin utilisant un échographe pour guider une injection dans la hanche, avec des avertissements visuels flottants autour.

Et après l’injection ?

Ne pensez pas que vous êtes guéri. L’injection n’est qu’un outil. Elle vous donne une fenêtre de 4 à 8 semaines pour agir.

Pendant les 48 premières heures : évitez les efforts intenses. Ne faites pas de sport, ne soulevez pas de charges lourdes. Le médicament est en train de s’installer. Une activité trop violente peut déplacer les cristaux ou irriter davantage la zone.

Appliquez de la glace si vous avez une petite poussée de douleur. Prenez un anti-inflammatoire si votre médecin l’autorise. Surveillez votre glycémie si vous êtes diabétique.

Et surtout : utilisez cette période pour commencer une rééducation. Un kinésithérapeute peut vous apprendre à renforcer les muscles autour de l’articulation, à corriger votre posture, à éviter les mouvements qui vous font mal. C’est là que le vrai changement se fait. L’injection vous donne du temps. À vous de l’utiliser.

Les chiffres qui parlent

  • 10 millions d’injections de corticostéroïdes sont administrées chaque année aux États-Unis pour des problèmes musculosquelettiques.
  • En France, elles représentent environ 15 % des consultations en orthopédie.
  • 62 % des patients rapportent un soulagement significatif dans les 3 premières semaines.
  • 41 % retrouvent leur douleur initiale en moins de 6 semaines.
  • 3 à 4 injections maximum par articulation par an sont recommandées.
  • Le risque de rupture de tendon augmente après 3 injections dans la même zone.
  • Les injections avec échoguidage sont 25 % plus efficaces que les injections aveugles.

Le mot de la fin

Les injections de corticostéroïdes ne sont ni un miracle, ni un poison. Ce sont un outil puissant, mais limité. Elles n’arrêtent pas la dégradation articulaire. Elles ne réparent pas les tendons. Elles éteignent les flammes - temporairement.

Leur vraie valeur ? Vous offrir un répit. Un peu de paix. Le temps de reprendre votre vie, de vous rééduquer, de changer ce qui vous fait mal. Si vous les utilisez comme une pause, elles peuvent vous aider. Si vous les utilisez comme une solution, elles vous trahissent.

La clé, c’est la modération. La précision. Et surtout, la volonté de ne pas se contenter de soulager. De chercher la cause. De travailler sur ce qui vient après.

Les injections de cortisone font-elles grossir ?

Non, une ou deux injections locales n’ont pas d’effet sur le poids. Les effets secondaires comme la prise de poids ou la rétention d’eau sont liés à une prise orale prolongée de corticoïdes, pas aux injections articulaires. Une seule injection n’envoie pas assez de médicament dans la circulation sanguine pour provoquer ces effets.

Combien de temps faut-il attendre avant une seconde injection ?

Il est recommandé d’attendre au moins 3 à 6 mois entre deux injections dans la même articulation. Même si la douleur revient plus vite, il est préférable d’essayer d’autres approches - kinésithérapie, anti-inflammatoires, modification d’activité - plutôt que d’augmenter la fréquence. Plus de 3 à 4 injections par an augmentent les risques de dommages articulaires.

Est-ce douloureux ?

L’injection peut être désagréable, surtout si l’articulation est très enflammée. Mais la plupart des médecins mélangent le corticostéroïde à un anesthésique local, ce qui réduit la douleur. Certains patients ressentent une pression ou une gêne, mais pas une douleur intense. La douleur la plus forte vient souvent après, pendant les 24 à 48 premières heures, à cause de la réaction inflammatoire locale.

Les injections de cortisone peuvent-elles endommager le cartilage ?

Oui, à long terme et avec une utilisation répétée. Les études montrent que les patients qui reçoivent plusieurs injections dans une articulation avec arthrose ont un risque plus élevé de dégradation du cartilage. Ce n’est pas un effet immédiat, mais cumulatif. C’est pourquoi les spécialistes limitent le nombre d’injections et les déconseillent pour les cas d’arthrose avancée.

Faut-il faire une échographie avant l’injection ?

C’est fortement recommandé. L’échographie permet de voir exactement où placer l’aiguille, d’éviter les nerfs et les tendons, et d’assurer que le médicament est bien dans l’articulation. Les injections guidées par échographie sont plus efficaces et moins risquées. Si votre médecin ne propose pas cette méthode, demandez-la.

3 Commentaires

  • Guillaume Franssen

    Guillaume Franssen

    décembre 24, 2025 AT 20:14

    Je viens de me faire une injection au genou hier, et franchement… j’ai cru que j’allais mourir. La douleur après, c’est du délire. Mais 3 jours plus tard, je peux marcher sans grimacer. C’est pas magique, mais ça m’a sauvé la semaine avant mon voyage en Italie. Merci pour l’article, c’est clair.

  • Élaine Bégin

    Élaine Bégin

    décembre 24, 2025 AT 23:36

    Arrêtez de croire que la cortisone c’est la solution, c’est juste un bandage sur une jambe cassée. J’ai eu 5 injections dans le genou en 2 ans, et maintenant j’ai un cartilage qui ressemble à du papier de verre. Vos médecins vous mentent pour avoir des chiffres. Le PRP ? Moins cher à long terme. Et puis, vous avez déjà essayé la kiné ? Non, bien sûr que non, vous voulez juste une piqûre magique.

  • Jean-François Bernet

    Jean-François Bernet

    décembre 25, 2025 AT 04:00

    Je suis rhumato, et je vais vous dire la vérité : les médecins injectent trop. Trop. Trop. Trop. J’ai vu des patients se faire injecter tous les 2 mois parce qu’ils n’ont pas osé dire non. Et maintenant ? Ils ont des tendons qui craquent comme des brindilles. Vous croyez que c’est normal ? Non. C’est de la négligence. Et si vous êtes diabétique, vous êtes un cobaye. Pensez-y.

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