L’hépatite auto-immune est une maladie chronique du foie où le système immunitaire attaque par erreur les cellules hépatiques. Contrairement aux hépatites virales, elle n’est pas causée par un virus, mais par une réaction immunitaire mal dirigée. Elle touche surtout les femmes - environ 4 fois plus que les hommes - et peut apparaître à n’importe quel âge, même si les pics sont entre 20 et 40 ans, puis entre 60 et 70 ans. En 2025, on estime qu’entre 10 et 25 personnes sur 100 000 en sont atteintes en Europe, et le nombre de cas ne cesse d’augmenter depuis les années 1990.
Comment diagnostique-t-on l’hépatite auto-immune ?
Pas de test unique. Pas de résultat de sang qui confirme tout seul. Le diagnostic repose sur une combinaison de signes : des analyses de sang, une biopsie du foie, et l’élimination d’autres causes comme l’alcool, les virus de l’hépatite B ou C, ou les maladies métaboliques.
Les marqueurs sanguins clés sont l’élévation de l’IgG (immunoglobuline G) - souvent 1,5 fois au-dessus de la norme - et la présence d’anticorps spécifiques : les ANA (anticorps antinucléaires) ou les SMA (anticorps anti-muscle lisse), présents dans 80 % des cas (type 1). Moins fréquents, les anticorps LKM1 indiquent le type 2, plus rare et souvent observé chez les enfants.
Depuis les nouvelles lignes directrices européennes de 2025, les médecins n’utilisent plus ces types d’anticorps pour décider du traitement. Pourquoi ? Parce qu’ils ne changent rien à la prise en charge. Ce qui compte, c’est la réponse au traitement, pas la signature auto-immune.
La biopsie du foie reste indispensable. Elle doit montrer une hépatite d’interface : une inflammation à la frontière entre les canaux portes et le parenchyme hépatique. Un minimum de 20 tracts portes doivent être examinés pour valider le diagnostic. Sans cela, on ne peut pas dire avec certitude qu’il s’agit d’une hépatite auto-immune.
Pour aider les médecins, on utilise un système de points : le score de l’IAIHG (International Autoimmune Hepatitis Group). Si vous avez plus de 15 points, c’est probablement une hépatite auto-immune. Plus de 20 ? C’est confirmé. Les enzymes hépatiques (ALT, AST) sont souvent élevées de 5 à 10 fois la norme au moment du diagnostic.
Le traitement de première ligne : stéroïdes et azathioprine
Depuis les années 1970, le traitement de référence est une combinaison de prednisone (ou prednisolone) et d’azathioprine. C’est la seule approche qui a prouvé qu’elle pouvait arrêter l’inflammation, prévenir la cirrhose, et même inverser les lésions du foie.
La prednisone commence à une dose de 0,5 à 1 mg par kg de poids par jour - jusqu’à 60 mg maximum. Elle est ensuite réduite progressivement, en 6 à 8 semaines, jusqu’à 10-15 mg par jour. L’azathioprine, elle, est ajoutée dès le début : 50 mg par jour, puis augmentée jusqu’à 1-2 mg par kg (max 150 mg/jour).
Le but ? Réduire les effets secondaires des stéroïdes. Sans azathioprine, 70 % des patients développent des effets indésirables : prise de poids, visage de lune, diabète, ostéoporose, cataractes. Avec la combinaison, ce taux tombe à 30 %. C’est pourquoi les médecins insistent : ne prenez pas les stéroïdes seul.
Les réponses au traitement varient. En 6 à 12 mois, 60 à 80 % des patients voient leurs enzymes hépatiques et leur taux d’IgG revenir à la normale. Ce qu’on appelle une réponse biochimique complète. Mais 20 à 40 % n’y parviennent pas - il faut alors ajuster le traitement.
Les effets secondaires : un prix à payer
Les stéroïdes, même en faible dose, ont un lourd tribut. Beaucoup de patients décrivent un changement physique brutal : « J’ai pris 15 kilos en trois semaines », « Mon visage était déformé », « Je ne pouvais plus dormir ». Certains développent un diabète de type 2, d’autres une perte osseuse qui augmente le risque de fractures.
L’azathioprine, elle, peut causer des nausées, de la fatigue, ou des troubles de la moelle osseuse. Dans 12 % des cas, elle réduit les globules blancs ou les plaquettes. C’est pourquoi, avant de commencer, on fait un test de la TPMT (thiopurine S-méthyltransférase). Ce test génétique identifie les 0,3 % de personnes qui ne métabolisent pas du tout le médicament - et qui risquent une insuffisance médullaire mortelle si elles prennent l’azathioprine.
En Europe, 78 % des centres font ce test. Aux États-Unis, seulement 45 %. C’est un écart inquiétant. Un simple test de 250 à 400 dollars peut éviter une hospitalisation d’urgence.
Et après ? Surveillance, biopsie, et rechute
Le traitement ne s’arrête pas quand les chiffres du sang sont normaux. Il faut maintenir la rémission. 60 à 80 % des patients doivent rester sous traitement pendant des années, voire toute leur vie.
Une biopsie de suivi est recommandée après 18 à 24 mois. Elle montre si l’inflammation a vraiment disparu. Dans 50 à 70 % des cas, on observe une réduction de la fibrose - parfois même une guérison complète du foie.
La rechute est le gros problème. Si vous arrêtez le traitement, entre 50 et 90 % des patients voient la maladie revenir. Même après 2 ou 3 ans de rémission. Les médecins essaient parfois d’arrêter progressivement les médicaments, mais seulement si la biopsie est normale et si les marqueurs sont stables depuis plus d’un an. Le taux de succès ? À peine 45 % après deux ans.
La surveillance est stricte : analyses de sang toutes les 2 à 4 semaines au début, puis tous les 3 mois. IgG tous les trimestres. Et avant de commencer le traitement, on vérifie que vous n’êtes pas porteur caché de l’hépatite B - 15 à 20 % des patients ont une forme latente, et les immunosuppresseurs peuvent la réveiller. Dans ce cas, on donne un antiviral comme le ténofovir en prévention.
Les alternatives quand ça ne marche pas
Si la combinaison stéroïdes-azathioprine échoue - ce qui arrive dans 10 à 15 % des cas - on passe aux traitements de deuxième ligne.
Le mycophénolate mofétil (CellCept) est le plus utilisé : 1 à 1,5 g deux fois par jour. Il est souvent mieux toléré que l’azathioprine, surtout si cette dernière a causé une pancréatite ou une baisse des globules blancs.
Les inhibiteurs de la calcineurine, comme la ciclosporine ou la tacrolimus, sont une autre option, surtout chez les patients jeunes ou avec une maladie sévère.
De nouveaux traitements arrivent. L’obéticholique (Ocaliva), initialement développé pour une autre maladie du foie, montre des résultats prometteurs dans les essais de phase 3 : 42 % de rémission complète contre 28 % avec le traitement standard. Les inhibiteurs JAK (comme le tofacitinib) et les anticorps anti-IL-6 (clazakizumab) sont aussi en cours d’évaluation. Ce ne sont pas encore des traitements standard, mais ils offrent de l’espoir pour les patients résistants.
Le futur : personnalisation et biomarqueurs
On ne traite plus l’hépatite auto-immune comme une maladie unique. On commence à la voir comme un ensemble de profils biologiques différents. Certains patients ont des gènes comme HLA-DRB1*03:01 ou *04:01 - ils ont 80 % de chances d’avoir une forme sévère. D’autres réagissent bien aux stéroïdes en deux semaines. D’autres pas du tout.
Des recherches sur des panels de micro-ARN dans le sang montrent qu’on pourrait prédire la réponse aux stéroïdes dès les deux premières semaines - avec 85 % de précision. Ce n’est pas encore disponible dans les cliniques, mais c’est en cours de validation.
Les essais comme STOP-AIH étudient si on peut arrêter le traitement chez les patients en rémission complète et stable. Les premiers résultats sont encourageants : 65 % restent en rémission deux ans après l’arrêt, contre 35 % dans les groupes historiques.
La prise en charge évolue. Les patients veulent plus d’information, plus de contrôle. Les associations de patients ont vu leur adhésion augmenter de 20 % par an depuis 2020. Les médecins doivent apprendre à parler de ces effets secondaires, à écouter les expériences vécues, et à adapter le traitement, pas seulement les chiffres.
Vous n’êtes pas un numéro. Vous êtes une personne qui vit avec une maladie invisible. Et il existe des moyens de vivre bien avec, même si le traitement est long. La clé ? Suivre les contrôles, ne pas arrêter les médicaments sans avis, et parler - vraiment parler - de ce que vous ressentez.
Comment sait-on si le traitement fonctionne ?
On suit les enzymes hépatiques (ALT, AST) et le taux d’IgG dans le sang. Si elles reviennent à la normale en 6 à 12 mois, c’est un bon signe. Mais la preuve la plus fiable, c’est une biopsie du foie après 18 à 24 mois de traitement. Elle montre si l’inflammation a vraiment disparu.
Puis-je arrêter les stéroïdes et l’azathioprine un jour ?
C’est possible, mais risqué. Seulement 45 % des patients qui arrêtent le traitement restent en rémission après deux ans. L’arrêt doit être très progressif, sur 6 à 12 mois, et uniquement si la biopsie est normale et que les analyses de sang sont stables depuis plus d’un an. La rechute survient dans 70 % des cas dans les trois premiers mois après l’arrêt.
Pourquoi faut-il faire un test de TPMT avant l’azathioprine ?
Ce test détecte une déficience génétique qui empêche le corps de métaboliser l’azathioprine. Chez ces personnes - environ 0,3 % de la population - la dose normale peut provoquer une baisse sévère des globules blancs, voire une insuffisance médullaire mortelle. Le test est simple, peu coûteux, et évite une urgence médicale.
L’hépatite auto-immune peut-elle disparaître complètement ?
Oui, dans certains cas. Si le traitement est débuté tôt et suivi rigoureusement, la fibrose du foie peut régresser. Des biopsies ont montré une réversion de la fibrose F3 (modérée) à F0 (aucune lésion). Mais cela ne signifie pas que la maladie est « guérie ». Le système immunitaire reste en état d’alerte. La plupart des patients doivent rester sous traitement à long terme.
Quels sont les risques si je ne traite pas l’hépatite auto-immune ?
Sans traitement, l’inflammation continue, et le foie se cicatrise progressivement - c’est la fibrose. Elle peut évoluer vers une cirrhose, une insuffisance hépatique, ou un cancer du foie. Dans 15 à 20 % des cas non traités, une transplantation hépatique devient inévitable. Le traitement ne fait pas que soulager les symptômes : il sauve la vie.