Psychose induite par les médicaments : symptômes et prise en charge d'urgence

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Sélectionnez un médicament parmi la liste des principaux coupables. Cet outil vous aidera à identifier le risque potentiel et les symptômes à surveiller.

Vous prenez un médicament prescrit, et soudain, vous ou un proche commencez à voir des choses qui n'existent pas, à croire que quelqu’un vous espionne, ou à parler de manière incohérente. Ce n’est pas de la folie. Ce n’est pas non plus une rechute de schizophrénie. C’est une psychose induite par les médicaments - un réaction médicale grave, mais souvent réversible, que trop de médecins ignorent.

Qu’est-ce que la psychose induite par les médicaments ?

La psychose induite par les médicaments (PIM) est un trouble mental temporaire causé directement par l’effet d’une substance sur le cerveau. Elle se manifeste par des hallucinations (entendre des voix, voir des ombres), des délires (croyances fausses et persistantes, souvent paranoïaques), une pensée désorganisée, ou un comportement inapproprié. Ce n’est pas une maladie mentale de base comme la schizophrénie. C’est une réaction à un médicament - et elle disparaît quand on arrête la cause.

La définition officielle vient du DSM-5, le manuel de référence des psychiatres : les symptômes doivent apparaître pendant ou dans les 30 jours suivant l’intoxication ou le sevrage d’une substance. Si les symptômes persistent au-delà d’un mois après l’arrêt du médicament, on doit chercher une maladie psychiatrique sous-jacente.

Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas seulement lié aux drogues illicites. Des médicaments courants - pris quotidiennement - peuvent déclencher ce phénomène. Et pourtant, dans 62 % des cas, les patients ne sont pas interrogés sur leurs traitements quand ils arrivent en urgence avec une crise psychotique.

Quels médicaments peuvent provoquer une psychose ?

La liste est plus longue qu’on ne le croit. Voici les principaux coupables, classés par fréquence et risque :

  • Corticoïdes : prescrits pour l’asthme, les maladies auto-immunes ou après une greffe. Jusqu’à 5,7 % des patients sous fortes doses développent une psychose. Les symptômes apparaissent souvent après 1 à 2 semaines de traitement.
  • Méfloquine : un antipaludéen utilisé par les voyageurs. L’Agence européenne des médicaments a recensé plus de 1 200 cas de psychose depuis les années 1980. Des hallucinations, des cauchemars violents et une paranoïa intense peuvent survenir même après une seule prise.
  • Éfavirenz : un médicament contre le VIH. Environ 2,3 % des patients développent des symptômes psychotiques, souvent dans les premières semaines de traitement. L’Agence américaine des drogues (FDA) a émis des avertissements spécifiques.
  • Antidépresseurs : SSRIs et SNRIs. Rares, mais possibles. Surtout chez les jeunes ou les personnes ayant déjà eu des épisodes psychotiques.
  • Stimulants : méthamphétamine, amphétamines, méthylphénidate (Ritalin). Jusqu’à 15 % des utilisateurs de méthamphétamine développent des hallucinations et des délires paranoïaques.
  • Antihistaminiques : comme la diphenhydramine (Benadryl). Souvent pris pour dormir ou contre les allergies. En surdose ou chez les personnes âgées, ils peuvent provoquer une confusion et une psychose anticholinergique.
  • Alcool et benzodiazépines : la psychose n’apparaît pas pendant l’ivresse, mais pendant le sevrage. Après plusieurs jours sans boire, les hallucinations visuelles ou auditives peuvent survenir - un signe d’alerte pour un délire de sevrage.

Il ne s’agit pas de dire « arrêtez tous vos médicaments ». Il s’agit de reconnaître le lien temporel : le symptôme est apparu après le début du traitement. Un simple changement de dose, ou l’ajout d’un nouveau comprimé, peut être la clé.

Comment reconnaître les premiers signes ?

La psychose ne vient pas du jour au lendemain. Elle a souvent un prélude. Des signes subtils, souvent ignorés, peuvent apparaître des jours ou des semaines avant la crise complète :

  • Une anxiété soudaine, sans raison apparente
  • Des troubles du sommeil : insomnie ou cauchemars récurrents
  • Une méfiance excessive envers les proches ou les médecins
  • Une perte d’intérêt pour les activités habituelles
  • Des changements d’humeur brutaux : colère, tristesse, euphorie inhabituelle

Les symptômes les plus fréquents sont les délires persécutoires - « quelqu’un me suit », « ils m’ont mis un dispositif dans la tête » - et les hallucinations auditives - « des voix qui murmurent » ou « qui ordonnent de faire quelque chose ».

Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables. Leur métabolisme ralentit, les médicaments s’accumulent, et les effets secondaires sont plus difficiles à détecter. Un simple comprimé contre l’allergie peut déclencher une crise chez un patient de 75 ans.

Un médecin en urgence face à un patient aux délires paranoïdes entourés de bulles de pensée.

Différencier la psychose médicamenteuse de la schizophrénie

C’est l’erreur la plus coûteuse en médecine. Confondre une psychose induite par un médicament avec une maladie mentale chronique peut entraîner un traitement inutile et dangereux : des antipsychotiques à vie, des hospitalisations répétées, une stigmatisation.

Voici les différences clés :

Comparaison entre psychose induite par les médicaments et schizophrénie
Caractéristique Psychose induite par les médicaments Schizophrénie
Début des symptômes Peu de temps après l’initiation ou le changement de traitement Progressif, souvent pendant l’adolescence ou la jeunesse adulte
Évolution Amélioration rapide après arrêt du médicament (jours à semaines) Persistante, nécessite un traitement à long terme
Histoire psychiatrique Souvent absente avant le traitement Présente, souvent avec antécédents familiaux
Conscience de la maladie Parfois préservée : le patient sait que ce n’est pas réel Généralement absente : le patient croit fermement à ses hallucinations
Réponse aux antipsychotiques Parfois utile à court terme, mais inutile si la cause n’est pas retirée Essentielle et efficace à long terme

Si un patient âgé de 30 ans, sans antécédent psychiatrique, développe une psychose 10 jours après avoir commencé un traitement contre l’asthme, la cause la plus probable est le corticoïde - pas la schizophrénie.

Que faire en cas d’urgence ?

La première règle : arrêter le médicament suspecté. Pas de discussion. Pas d’attente. C’est la seule intervention qui a un effet garanti.

En urgence, les médecins suivent ce protocole :

  1. Évaluer la sécurité : le patient est-il en danger pour lui-même ou pour les autres ? S’il menace de se tuer ou de blesser quelqu’un, une hospitalisation forcée peut être nécessaire.
  2. Arrêter le médicament : le plus vite possible. Parfois, il faut le remplacer par un autre traitement plus sûr.
  3. Stabiliser le patient : hydratation, contrôle des électrolytes, surveillance des signes vitaux. Dans les cas de surdose de stimulants, on surveille les risques de dégradation musculaire (rhabdomyolyse).
  4. Utiliser un antipsychotique si nécessaire : l’olanzapine ou la quetiapine sont souvent prescrites à court terme pour calmer les symptômes. Mais attention : certains antipsychotiques peuvent interagir avec le médicament responsable. Pas de traitement sans évaluation des interactions.
  5. Ne pas traiter comme une maladie mentale chronique : les antipsychotiques à long terme ne sont pas indiqués si la cause est médicamenteuse.

Pour les cas de sevrage d’alcool ou de benzodiazépines, on utilise des benzodiazépines elles-mêmes - mais en dosage progressif - pour éviter le délire de sevrage, qui peut être mortel.

Une liste de médicaments avec des croix rouges, symbolisant leur arrêt pour guérir une psychose.

Quel est le pronostic ?

La bonne nouvelle : dans 80 à 90 % des cas, la psychose disparaît complètement après l’arrêt du médicament.

  • Cocaine ou amphétamines : les symptômes s’atténuent en 24 à 72 heures.
  • Corticoïdes : amélioration en 2 à 6 semaines.
  • Alcool : les hallucinations peuvent durer jusqu’à 2 semaines après le sevrage.

Les cas plus complexes surviennent chez les personnes avec un antécédent de trouble psychiatrique ou une consommation chronique d’alcool. Dans ces cas, une lésion cérébrale (syndrome de Wernicke-Korsakoff) peut se superposer à la psychose, rendant la récupération plus lente et plus difficile.

Un suivi psychiatrique pendant 3 mois est recommandé. Pourquoi ? Parce que dans 5 à 10 % des cas, une maladie psychiatrique sous-jacente - comme la schizophrénie - apparaît après la disparition des symptômes médicamenteux. Ce n’est pas une erreur de diagnostic. C’est une révélation.

Comment prévenir la psychose induite par les médicaments ?

La prévention est simple, mais souvent négligée :

  • Questionner systématiquement : tout patient qui présente une nouvelle psychose doit répondre à cette question : « Quels médicaments avez-vous commencé ou changé ces dernières semaines ? »
  • Évaluer les risques avant la prescription : avant de prescrire un corticoïde, un antipaludéen ou un antirétroviral, demandez : « Avez-vous déjà eu des problèmes psychiatriques ? »
  • Éduquer les patients : les notices des médicaments comme l’éfavirenz contiennent des avertissements. Mais les patients ne les lisent pas. Les médecins doivent les leur rappeler : « Si vous avez des pensées étranges, appelez-moi immédiatement. »
  • Éviter les automédications : les antihistaminiques en vente libre, les compléments alimentaires, les herbes - tout peut déclencher une réaction. Une dose de Benadryl prise pour dormir peut suffire.

La psychose induite par les médicaments est rare - mais pas exceptionnelle. Elle touche 7 à 10 % des premiers épisodes psychotiques en urgence. Et pourtant, seuls 38 % des médecins généralistes se sentent à l’aise pour la diagnostiquer.

Vous n’avez pas besoin d’être psychiatre pour sauver une vie. Il suffit de poser la bonne question au bon moment.

Questions fréquentes

Une psychose induite par un médicament peut-elle devenir permanente ?

Dans la grande majorité des cas, non. Les symptômes disparaissent après l’arrêt du médicament. Cependant, chez les personnes avec un antécédent de trouble mental ou une consommation chronique d’alcool, des lésions cérébrales peuvent persister et entraîner des symptômes durables. C’est rare, mais possible. Un suivi à long terme est essentiel.

Les antipsychotiques sont-ils toujours nécessaires en cas de psychose médicamenteuse ?

Non. Ils sont réservés aux cas sévères où le patient est en danger ou où les symptômes sont très invalidants. Le traitement principal, c’est l’arrêt du médicament. Les antipsychotiques ne guérissent pas la cause - ils calment juste les symptômes. Une utilisation prolongée sans raison peut entraîner des effets secondaires graves, comme la dyskinésie tardive.

Puis-je reprendre le médicament après une psychose ?

Généralement, non. La plupart des patients ne peuvent pas reprendre le médicament responsable sans risque de récidive. Mais dans certains cas - par exemple, si c’est un traitement vital comme un corticoïde pour une maladie auto-immune - un médecin peut décider de le réintroduire très progressivement, avec une surveillance étroite. Ce n’est jamais une décision prise à la légère.

Les médicaments en vente libre peuvent-ils provoquer une psychose ?

Oui. Les antihistaminiques comme la diphenhydramine (Benadryl, Nuites Calm) sont les plus connus. En surdose ou chez les personnes âgées, ils bloquent l’acétylcholine dans le cerveau, ce qui peut provoquer une confusion, des hallucinations et une désorientation. Même les décongestionnants nasaux à base de pseudoéphédrine ont été associés à des cas de psychose.

Pourquoi les médecins ne reconnaissent-ils pas souvent cette cause ?

Parce que la psychose est souvent associée à la schizophrénie dans l’esprit des gens - y compris des professionnels. Les patients sont hospitalisés en psychiatrie, et on ne pense pas à vérifier les médicaments. De plus, les effets secondaires psychiatriques ne sont pas toujours listés en priorité dans les notices. Il faut une vigilance active pour les repérer.