L'impact de l'aspirine sur la santé et la fonction rénale

Beaucoup de gens prennent de l’aspirine tous les jours sans jamais se demander ce qu’elle fait à leurs reins. Pourtant, ce médicament courant, souvent considéré comme inoffensif, peut avoir des effets profonds sur la fonction rénale - surtout si vous avez déjà des problèmes rénaux, si vous êtes âgé, ou si vous le prenez à long terme.

Comment l’aspirine affecte les reins

Les reins filtrent le sang, éliminent les déchets et régulent l’équilibre des fluides et des électrolytes. Pour faire ce travail, ils ont besoin d’un bon flux sanguin. L’aspirine, un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), bloque des enzymes appelées cyclooxygénases (COX). Ces enzymes aident à produire des prostaglandines, des molécules qui dilatent les vaisseaux sanguins dans les reins. Moins de prostaglandines, c’est moins de dilatation, donc moins de flux sanguin vers les reins.

Ce n’est pas un problème pour la plupart des gens en bonne santé qui prennent une dose faible, comme 81 mg par jour pour prévenir les caillots. Mais pour quelqu’un avec une insuffisance rénale modérée, une déshydratation, ou une pression artérielle mal contrôlée, cette réduction de flux peut aggraver la fonction rénale en quelques jours.

Des études publiées dans le Journal of the American Society of Nephrology ont montré que les personnes âgées de plus de 65 ans qui prennent de l’aspirine à long terme ont un risque accru de baisse de la clairance de la créatinine - un indicateur clé de la santé rénale. Ce n’est pas une chute brutale, mais une dégradation progressive qui peut passer inaperçue jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

Qui est le plus à risque ?

Les reins ne réagissent pas tous de la même manière à l’aspirine. Certains groupes sont particulièrement vulnérables :

  • Les personnes de plus de 60 ans : la fonction rénale diminue naturellement avec l’âge, et les reins deviennent plus sensibles aux changements de flux sanguin.
  • Les patients avec une maladie rénale chronique (MRC) : même à un stade léger, l’aspirine peut accélérer la progression de la maladie.
  • Les personnes déshydratées : après un effort intense, une maladie avec fièvre ou diarrhée, ou simplement en ne buvant pas assez, l’effet de l’aspirine sur les reins est amplifié.
  • Ceux qui prennent d’autres médicaments : les diurétiques, les inhibiteurs de l’ECA, ou lesAINS comme l’ibuprofène combinés à l’aspirine augmentent le risque de lésion rénale aiguë.

Une étude de 2023 menée sur 12 000 adultes aux États-Unis a révélé que ceux qui prenaient quotidiennement de l’aspirine (même à faible dose) avaient 23 % plus de risques de voir leur taux de créatinine s’élever au-delà de la norme, comparé à ceux qui n’en prenaient pas. Ce risque montait à 41 % chez les patients déjà diagnostiqués avec une MRC.

Aspirine et insuffisance rénale aiguë

L’insuffisance rénale aiguë (IRA) n’est pas rare chez les personnes qui prennent de l’aspirine dans des circonstances particulières. Par exemple, pendant une infection virale comme la grippe ou une gastro-entérite, le corps perd des fluides. Si en même temps vous prenez de l’aspirine, vos reins peuvent être privés de sang suffisant pour fonctionner.

Ce phénomène s’appelle une néphrotoxicité réversible. Les reins se remettent souvent après l’arrêt du médicament et la réhydratation. Mais si vous ne reconnaissez pas les signes - urine réduite, gonflement des chevilles, fatigue intense, confusion - vous risquez de passer à une forme chronique.

Un cas clinique rapporté en 2024 dans BMJ Case Reports décrit un homme de 72 ans, en bonne santé, qui a pris 325 mg d’aspirine pendant trois jours pour un mal de tête. Il a ensuite développé une IRA après une gastro-entérite. Ses reins ont retrouvé leur fonction normale après cinq jours sans aspirine et avec une réhydratation. Mais il aurait pu éviter cela s’il avait su.

Un médecin explique la baisse de la fonction rénale sur un tableau, des pilules d'aspirine tombent comme de la pluie.

La dose compte - mais pas seulement

On pense souvent que la faible dose (81 mg) est sans danger. C’est vrai pour la plupart des gens. Mais « faible dose » ne signifie pas « sans effet ». Même 81 mg par jour, pris pendant des années, peut contribuer à une baisse progressive de la filtration glomérulaire.

Une analyse de données de la base de santé britannique (UK Biobank) sur plus de 150 000 personnes a montré que ceux qui prenaient de l’aspirine à faible dose quotidiennement pendant plus de cinq ans avaient une perte moyenne de 2,1 ml/min/1,73 m² par an de clairance de la créatinine - une perte qui, sur dix ans, équivaut à environ 20 % de la fonction rénale d’un adulte jeune.

Et ce n’est pas seulement la dose. C’est la combinaison : l’aspirine + déshydratation + âge + autre médicament = risque accru. Il n’y a pas de seuil sûr pour tout le monde. Ce qui est inoffensif pour votre voisin peut être dangereux pour vous.

Que faire si vous prenez de l’aspirine ?

Si vous prenez de l’aspirine pour prévenir une crise cardiaque ou un AVC, ne l’arrêtez pas sans consulter votre médecin. Mais voici ce que vous pouvez faire pour protéger vos reins :

  1. Testez votre fonction rénale au moins une fois par an si vous avez plus de 55 ans ou si vous avez une maladie chronique.
  2. Évitez l’aspirine pendant une maladie avec fièvre, vomissements ou diarrhée - même si vous pensez que c’est « juste un petit mal ».
  3. Boivez suffisamment d’eau chaque jour. Même 1,5 à 2 litres, surtout si vous êtes actif ou en climat chaud.
  4. Ne combinez pas l’aspirine avec d’autres AINS comme l’ibuprofène ou le naproxène. Utilisez du paracétamol pour la douleur, s’il est approprié.
  5. Parlez à votre médecin si vous avez des jambes gonflées, une fatigue inhabituelle, ou une urine plus foncée ou moins abondante.

Il n’y a pas de règle universelle. Pour certains, l’aspirine est une lifeline cardiaque. Pour d’autres, elle est un danger silencieux. Le seul moyen de savoir ce qui est bon pour vous, c’est de connaître votre propre santé rénale.

Scène divisée : un homme en bonne santé à gauche, le même homme en détresse à droite, avec des alternatives saines en arrière-plan.

Alternatives à l’aspirine pour la santé cardiovasculaire

Si vous êtes préoccupé par les effets sur les reins, il existe des alternatives. Le paracétamol ne protège pas contre les caillots, mais il est sûr pour les reins. Pour la prévention cardiovasculaire, d’autres options existent :

  • Les antiplaquettaires comme le clopidogrel (Plavix) : moins d’effet sur les reins, mais plus cher et avec d’autres risques.
  • Les statines : réduisent le cholestérol et l’inflammation, souvent prescrites en complément ou à la place de l’aspirine.
  • La gestion de la pression artérielle et du poids : des changements de style de vie peuvent réduire le besoin de médicaments.

Une étude de 2024 dans The Lancet a montré que chez les personnes âgées à risque modéré de maladie cardiaque, la simple amélioration de l’alimentation, de l’activité physique et du sommeil réduisait les événements cardiovasculaires autant que l’aspirine - sans toucher aux reins.

Quand consulter un médecin

Ne prenez pas de décisions seules. Consultez un médecin si :

  • Vous avez des antécédents de maladie rénale, de diabète ou d’hypertension.
  • Vous avez plus de 60 ans et prenez de l’aspirine depuis plus de deux ans.
  • Vous avez remarqué une baisse de la quantité d’urine, un gonflement des chevilles, ou une fatigue persistante.
  • Vous avez été traité pour une insuffisance rénale aiguë dans le passé.

Un simple test de sang - une mesure de la créatinine et du taux de filtration glomérulaire estimée (TFGe) - peut vous dire si vos reins sont en bonne forme. Ce test coûte moins de 20 euros dans la plupart des laboratoires en France. Il ne prend que cinq minutes. Et il peut vous sauver des années de détérioration rénale invisible.

Conclusion : l’aspirine n’est pas inoffensive - mais elle n’est pas non plus un ennemi

L’aspirine est un outil puissant. Pour certains, elle sauve la vie. Pour d’autres, elle endommage lentement les reins sans qu’ils le sachent. Le problème n’est pas l’aspirine en soi. C’est l’idée fausse qu’elle est sans danger.

La santé rénale ne se voit pas. Elle ne fait pas mal jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Ce qui compte, c’est de connaître votre corps, de surveiller vos reins, et de ne pas prendre de décision sans information.

Si vous prenez de l’aspirine, faites vérifier vos reins une fois par an. Parlez à votre médecin. Évitez les combinaisons dangereuses. Buvez de l’eau. Et ne sous-estimez jamais ce que deux comprimés par jour peuvent faire à vos reins sur le long terme.

L’aspirine à faible dose est-elle sûre pour les reins ?

Pour une personne jeune et en bonne santé, une faible dose d’aspirine (81 mg/jour) est généralement sûre à court terme. Mais à long terme - surtout après 60 ans ou en cas de maladie rénale, de diabète ou d’hypertension - elle peut réduire progressivement la fonction rénale. Ce n’est pas une urgence, mais une baisse silencieuse qui s’accumule. Un test annuel de créatinine est recommandé.

L’aspirine peut-elle causer une insuffisance rénale aiguë ?

Oui, surtout dans des situations de déshydratation (fièvre, diarrhée, transpiration excessive) ou lorsqu’elle est combinée à d’autres médicaments comme les diurétiques ou les inhibiteurs de l’ECA. L’aspirine réduit le flux sanguin vers les reins, et si le corps est déjà en manque d’eau, cela peut provoquer une insuffisance rénale aiguë. Heureusement, elle est souvent réversible si l’aspirine est arrêtée et que vous vous réhydratez rapidement.

Puis-je remplacer l’aspirine par du paracétamol pour protéger mes reins ?

Le paracétamol est plus sûr pour les reins, mais il ne protège pas contre les caillots sanguins. Si vous prenez de l’aspirine pour prévenir une crise cardiaque ou un AVC, ne le remplacez pas par du paracétamol sans consulter votre médecin. Pour la douleur, le paracétamol est une excellente alternative. Pour la prévention cardiovasculaire, d’autres options comme le clopidogrel ou les statines peuvent être envisagées, selon votre profil de risque.

Quels sont les signes que l’aspirine nuit à mes reins ?

Les signes sont souvent discrets : urine moins abondante, gonflement des chevilles ou des pieds, fatigue intense, perte d’appétit, ou confusion. Ces symptômes peuvent être attribués à l’âge ou au stress, mais ils peuvent aussi indiquer une baisse de la fonction rénale. Si vous les ressentez pendant que vous prenez de l’aspirine, arrêtez-le et consultez un médecin.

Faut-il arrêter l’aspirine si j’ai une maladie rénale légère ?

Pas forcément. Si vous avez une maladie rénale légère et que vous prenez de l’aspirine pour prévenir un AVC ou une crise cardiaque, votre médecin peut vous conseiller de continuer, mais en surveillant de près votre fonction rénale. L’arrêt brutal peut être plus dangereux que la prise continue. Ce qui compte, c’est l’équilibre entre les risques cardiovasculaires et rénaux - et ce n’est pas une décision à prendre seul.

1 Commentaires

  • James Sorenson

    James Sorenson

    novembre 18, 2025 AT 20:17

    Alors là, je suis scotché. On prend de l’aspirine comme des bonbons, et personne ne se demande si ses reins font des grèves ?! J’ai un pote de 70 ans qui en prend une par jour depuis 20 ans pour "prévenir"… et il a un taux de créatinine qui grimpe comme un ascenseur sans câble. Et vous, vous avez vu son médecin ? Non. Parce que c’est plus facile de croire que "c’est normal avec l’âge". Merci pour ce rappel brutal, mais nécessaire.

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